Une courbe d’expérience disruptée ?
Par G.Lécrivain – Lesclefsdumanagement.com – 28 mars 2020
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Une courbe d’expérience disruptée ?
Par G.Lécrivain – Lesclefsdumanagement.com – 28 mars 2020
La courbe d’expérience, dont l’acte de naissance remonte à 1936 en pleine période fordienne, a longtemps justifié et expliqué « le big is beautiful » à savoir l’efficacité des stratégies de volume liées à la production de biens standards.
Ces logiques de débit, de massification comme corollaires à la construction d’un avantage concurrentiel sont battues en brèche avec l’installation de contextes environnementaux de plus en plus mobiles et turbulents.
Désormais, place « au small is beautiful », à l’agilité organisationnelle et stratégique.
Origines et caractérisation de la courbe d’expérience
Souvent attribuée à Bruce HENDERSON, créateur du Boston Consulting Group et considéré comme « le père » du conseil en stratégie, la courbe d’expérience a été, en fait, caractérisée trente ans plus tôt en 1936 par Théodore Paul WRIGHT («Facteurs influant sur le coût des avions », Journal of Aeronautical Sciences ). Cet ingénieur aéronautique américain constate en effet que pour chaque doublement de la production cumulée correspondait alors une économie du temps de travail nécessaire à leur fabrication de l’ordre de 15 à 20%.
Cette courbe d’apprentissage et ses effets furent ensuite confirmés lors de la seconde guerre mondiale dans de nombreux domaines de l’industrie de l’armement.
C’est en 1966 que la courbe d’apprentissage se transforme en courbe d’expérience et gagne ses galons de « loi universelle » : en menant une étude pour Texas Instrument, un des premiers clients du BCG, Bruce HENDERSON démontre que les effets de la courbe d’expérience s’appliquent également dans le secteur de l’électronique, et qu’au-delà du facteur travail, ils expliquent la diminution des coûts de production. Les études que mena ensuite le BCG dans de multiples secteurs confirmèrent le caractère universel de cet effet : à chaque doublement du volume de production cumulée les coûts de fabrication de ce bien diminuent selon un facteur constant.
Ainsi, graphiquement, si on représente l’évolution des coûts unitaires de production en fonction de la production cumulée, on dispose alors d’une courbe qui permet de caractériser une réduction du coût de 15% pour chaque doublement de la production (les coûts unitaires se situant à 85% de leur niveau initial).
Selon les secteurs industriels, ce coefficient varie de 70 à 90% : (aéronautique 85% – construction navale 80% – électronique 90% – …).
On s’aperçoit alors que l’enjeu pour l’entreprise est de descendre plus rapidement que ses concurrents le long de sa courbe d’expérience. Dès la fin des années 1960/début des années 1970 s’installaient ainsi les prémices de ce qu’on appellera « la chrono-compétition » (STALK) : c’est en effet la capacité d’une entreprise à descendre plus vite le long de sa courbe c’est-à-dire la vitesse d’acquisition et de maîtrise de l’expérience qui sera source d’avantage concurrentiel durable.
Les facteurs explicatifs liés à la courbe d’expérience
Cet effet, mesuré initialement en pleine période fordienne, justifiait et expliquait alors l’efficacité des stratégies de volume de biens standards. Ainsi, les facteurs explicatifs de la courbe d’expérience en reprennent les mêmes corollaires et principalement :
Les limites du modèle de la courbe d’expérience et des effets qu’elle retranscrit
La contestation de la courbe d’expérience et de ses effets ont annoncé et accompagné l’avènement d’une nouvelle donne stratégique depuis la fin des années 1990 : finies les vertus des effets de masse, terminé « le big is beautiful », place à l’agilité organisationnelle et stratégique et au couple différenciation / intégration.